Le 05 Mai dernier, j'accueillais à Carpentras, le public venant assister à la présentation de mon livre "Résilience". Pour ceux qui n'ont pu venir, je vous résume en quelques lignes pourquoi j'ai écrit ce témoignage et les projets qui s'ouvrent aujourd'hui.
"Résilience" |
Tout d'abord, le terme résilience décrit la capacité à sortir d’une épreuve, de se relever d’une situation de stress intense. C’est l’aptitude à faire face, à se ressaisir, à s’adapter en dépit des circonstances défavorables.
La résilience est un phénomène psychologique qui
consiste, pour une personne ayant subi un traumatisme, à prendre acte de cet
événement traumatique, pour sortir de la dépression et avancer vers une
possible reconstruction.
Dans mon cas, ce mot résume le cheminement que j’ai
dû accomplir pour tenter de m’approcher de l’apaisement.
Quand j’ai perdu mon enfant il y a plus de 8 ans
maintenant, j’ai commencé à écrire. Initialement, j’écrivais une sorte de
journal intime que je tenais quasi-quotidiennement. Pour moi, c’était un
déversoir à ma douleur. Plus le temps passait, plus c’était thérapeutique de
mettre des mots sur ma souffrance.
Donc, ce livre n’était pas du tout fait pour être publié
au départ, aussi à cause de son caractère très intime. En effet, dévoiler sa
vie privée n’est pas du tout évident.
Puis, au fil des années et des rencontres, je me
suis demandée si ce récit, ces quelques pages, ne pouvaient pas être utiles à
d’autres personnes, d’autres parents endeuillés. Des proches autour de moi
m’ont encouragé dans cette voie. Je me suis donc jetée à l’eau sans savoir où
cela allait aboutir.
Moi aussi, à l’époque j’avais parfois trouvé un peu
de réconfort dans les différents témoignages que je lisais. D’autres personnes
mettaient des mots sur mes émotions que je ne maitrisais pas du tout à ce
moment-là.
Et puis, pour moi, témoigner de manière écrite en laissant une trace
indélébile, c’est aussi pour montrer qu’il y a un « après »
l’épreuve.
Alors, j’ai commencé ce récit en situant ma
jeunesse, comment je me suis construite et mon approche de la vie. Puis
lentement, je poursuis vers ma vie d’adulte, d’épouse et vers mon désir de
maternité. Une maternité qui mettra du temps à arriver, d’ailleurs.
Quand survient enfin la joie et le bonheur de savoir
que je porte la vie, un cataclysme s’abat sur moi, sur nous ! Je perds
donc mon premier enfant, ma première fille en la mettant au monde.
Après une magnifique grossesse, comme j’en souhaite
à toutes les femmes, et sans aucun souci apparent, le petit cœur de mon bébé
s’arrête de battre subitement pendant l’accouchement.
Le fruit de mes entrailles que j’ai tant attendu ne
vit plus.
A ce moment là, le sentiment que j’ai, c’est de ne
pas avoir donné la vie, mais d’avoir donné la mort. Ce sentiment très
destructeur m’a hanté pendant très longtemps.
Passé ce choc et les quelques jours de soin dans le
service gynécologique où j’étais, on vous invite gentiment à rentrer chez vous,
à reprendre le court de votre vie, sans aucune explication possible, logique,
tangible ou médicale. Il faut reprendre le court de sa vie, tout bêtement. Hors
ça c’est impossible…
J’ai écrit la plus longue partie de mon livre sur la
succession de difficiles étapes du deuil auxquelles je dois faire face.
J’en parle ici dans ce livre. J’explique comment
j’ai vécu chacune d’entre-elles : qui va du choc de l’annonce (quand on
vous révèle que le cœur de votre bébé vient de s’arrêter mais qu’il faut quand
même continuer d’accoucher…On n’y croit pas. Le ciel vous tombe littéralement
sur la tête. Vous ne comprenez rien),
Ensuite, il y a le déni, la colère, la tristesse, la
profonde dépression… Puis, la plus longue et la plus douloureuse étape pour
moi, à savoir l’acceptation. Chose qu’il m’a été impossible d’envisager pendant
des années. Car dans ma tête j’avais l’impression qu’accepter ce qui m’était
arrivée, revenait à oublier ce que j’avais vécu, à oublier ma fille. Et ça
c’était hors de question.
Donc après un long et pénible travail de deuil,
vient enfin la reconstruction progressive, ou la guérison. Bien que je reste
convaincue qu’on ne guérit jamais vraiment de ça. C’est pour cela que dans mon
cas, je parle plutôt d’apaisement.
Cette épreuve vous pose de manière indélébile, une
ombre au-dessus de votre tête, même quand vous vivez de beaux moments dans
votre vie. Même quand d’autres enfants agrandissent votre foyer. On n’arrive
pas vraiment à profiter de ces beaux moments pleinement. Il y a un sanglot qui
est jamais loin…
Dans mon récit, j’évoque aussi mes tentatives pour
essayer d’aller mieux. Ce qui m’a aidé pour ma part, c’est une longue thérapie
avec une psychiatre que je voyais de manière régulière – pour travailler sur le
deuil et pour comprendre plein de choses sur ma situation et sur moi même.
Ce qui m’a aidé également (comme je l’évoquais au
début), c’est l’écriture. Cela me faisait beaucoup de bien.
Et il est important de dire aussi combien la
présence de l’entourage familial ou amical est d’un grand secours, d’un grand
soutien.
Et puis, il y a eu de gros échecs aussi (l’alcool,
les médicaments, le refus catégorique d’affronter le monde…) Autant de choses
qui vous font un peu plus couler. Cela je le développe de manière plus
approfondie dans le livre.
Et enfin, pour terminer mon livre, je le conclue en
tentant d’apporter quand même une petite touche d’espoir, aussi minime
soit-elle (car depuis que j’ai terminé mon livre, j’entrevois les choses encore
différemment – de manière plus positive) J’essaie de voir ce que je peux tirer
de bien de ce drame, voir ce que je peux en faire.
J’écris donc qu’effectivement il peut y avoir une
vie après l’épreuve. Différente certes,
mais possible.
Je tente aussi d’apporter une direction à
l’entourage, dans sa manière de soutenir les parents endeuillés. Eviter
certaines maladresses par exemples…
Il est aussi important de souligner que dans ma
résilience, (je parle de ma résilience car personne ne réagit pareil à
une même situation, à un même drame), donc dans ma capacité à me relever
de ça, il y a eu une notion de volonté.
C’est vrai que si on le veut, on peut rester toute
notre vie dans cet état de souffrance, enfermé dans cette tourmente
quotidienne, mais quand à un très court moment donné, vous pouvez apercevoir
une petite lumière au fond du tunnel, il faut s’y diriger tout de suite, à
grands pas et ne pas la laisser partir. Il faut saisir cette possibilité, pour
enfin sortir de la dépression.
Pour ma part, je dis souvent que je me suis donnée
ce « coup de pied au cul » après un simple déclic.
Un jour mon fils encore tout petit, m’a demandé
pourquoi j’étais toujours triste et pourquoi je pleurais tout le temps. Il
était tellement sincère dans la manière de ma poser la question que ça m’a fait
un choc, le choc donc j’avais besoin.
Je ne voulais plus que mes enfants aient une maman
dépressive. Je ne voulais plus leur renvoyer cette image. Je voulais devenir
une maman qui joue correctement son rôle et qui soit à la hauteur pour eux.
Alors, la première chose que j’ai faite a été de
jeter tous mes médicaments (mes anti-dépresseurs, mes somnifères…) pour
affronter ma vie. Je me suis lancée dans ma bataille.
Ce n’est pas toujours facile – même encore
aujourd’hui bien-sûr - mais une journée après l’autre, une marche après
l’autre, je me rapproche un peu plus de l’apaisement.
Je pense également que le temps n’efface rien. On
apprend simplement à vivre avec ce drame, à apprivoiser l’absence de notre
défunt et surtout à dompter nos chagrins et nos larmes encore bien présentes.
Alors, plus concrètement aujourd’hui j’en
suis où ?
La publication de mon livre me permet de mettre en place
d’autres projets. Ce support écrit me sert surtout d’outil pour parler de ce
sujet tabou aux yeux de la société. Je parle de sujet tabou car il est encore
difficile de parler de la perte d’un enfant aujourd’hui. Surement par le fait,
qu’on ne sait pas vraiment quoi dire face à cette tragédie. Donc personne n’ose
en parler. Moi j’aimerai essayer d’ouvrir une brèche dans ce sens.
J’ai donc commencé à me former sur le deuil et
l’accompagnement par le biais de plusieurs associations.
Et plus concrètement, petit à petit, il se met en
place sur Carpentras un groupe de parole sous forme de café-rencontre. Ce
groupe concerne les victimes (de près ou de loin) du deuil périnatal.
A savoir que le deuil périnatal tel qu’il est défini par l’Organisation
Mondiale de la Santé, c’est la perte d’un enfant pendant la grossesse (les
fausses-couches), à la naissance, dans les heures qui suivent la naissance ou
dans les premières semaines de vie.
Donc, dans ce groupe, il est possible pour des parents
endeuillés, des grands-parents, des amis, des collègues de travail ou toutes
autres personnes qui en ont besoin, de s’inviter à ce petit groupe soit pour
écouter dans un premier temps, et se sentir moins seul, soit en prenant la
parole et alléger un peu son cœur. Se sentir écouter est déjà un soutien
important.
J’aime beaucoup la citation d’Albert Camus
qui dit :
« Parler de ses peines, c’est déjà se
consoler. »
La rencontre se déroule de manière informelle autour
d’un thé ou d’un café une fois par mois, dans un salon de thé de la ville. 4 à
6 personnes composent le groupe pour faciliter le dialogue.
L’inscription est libre et gratuite bien-évidemment.
Voilà, pour résumer, ce livre
« Résilience » s’adresse aux parents endeuillés mais pas seulement.
On l’a vu, les grands-parents, les oncles et tantes, les amis, les collègues…
Autant de personnes qui peuvent se sentir impliquées.
Il faut savoir que ce sont 7000 familles françaises
qui sont touchées chaque année par ce drame. Cela fait beaucoup de monde
concerné par le sujet.